« Ah! Yata-chan, regarde tu as de la crème sur le nez!
- Hein? Anna! Retire moi ça du visage! »

Totsuka pouffa de rire. Il referma sa caméra en rigolant. L'après-midi qui venait de se terminer avait été animée par la confection de pâtisserie à la crème par la petite Anna qui, avec une impassibilité qui la caractérisait bien, avait trouvé amusant de mettre de la crème pâtissière sur tout le monde. Seul Mikoto avait été épargné. Kusanagi avait d'ailleurs eut l'air de beaucoup apprécier la nouvelle décoration sucré de son bar. Toujours est-il que le jeune blond n'avait pas loupé une telle occasion de filmer ses camarades rire ainsi. Convaincu qu'ils seraient tous ravis de pouvoir revivre ces moments tous ensemble, il n'avait pas quitté sa caméra de l'après-midi. Et après la tempête de douceur passé, il s'était adonné à son petit plaisir quotidien, revisionner son film pour profiter encore des rires de ses compagnons. Il se laissa aller sur un fauteuil, le coeur chaud, ravie d'avoir passé une journée comme celle-ci, à rire, à taquiner Yata sur sa petite frimousse pleine de crème et jouir du visage rouge de colère d'Izumo. Quand il s'y mettait, il pouvait à lui seul créer de nouvelles expressions. C'était d'une hilarité délectable et si adorable. Bien entendu, suite au bordel monstre qu'ils avaient provoqués, ils avaient été de corvées de ménage.

Mais tout s'était terminé sur une note joyeuse, ce qui mettait le blondinet dans une humeur excellente. La déception de ne pas voir vu Mikoto pour la journée s'était même atténué. Pas que le roi rouge lui manquait mais il aimait sa compagnie. Et... pour être parfaitement honnête, ces derniers temps le roux semblait plus fatiguer que d'ordinaire. Il ne s'intéresse plus tellement aux affaires d'HOMRA depuis deux ou trois jours. A croire qu'il tentait de se préserver de quelque chose. Il semblait tourmenter par quelque chose et comme d'ordinaire, cela avait commencé par retenir l'attention de Totsuka puis il avait fait plus attention à lui pour finir par s'inquiéter. Tout simplement. Il s'inquiétait. Il s'inquiétait car il avait beau passer de bons moments en compagnie de Suoh, il était indéchiffrable. Le jeune caméraman avait souvent du mal à anticiper les sentiments du roi rouge et il avait souvent cette désagréable sensation d'être parfaitement inutile à son roi. Chose qu'il supportait de moins en moins bien. Le fait est qu'il tenait tellement au rouquin que la moindre petite faiblesse chez lui le faisait paniquer. Il ne cherchait pas à le faire éclater de rire, mais au moins à allumer une lueur de bien être et de sérénité dans le fond de ses yeux. Il voulait l'apaiser.

Se rendant compte que la nuit était déjà épaisse dans le ciel et que le temps semblait bien plus que glacial, Tatara posa sa caméra sur le bord du bar, se leva de son fauteuil et monta les escaliers calmement. Bien qu'il soit inquiet, il comptait bien passer un peu de temps avec son roi ce soir. Au moins pour le distraire. Il marcha donc d'un pat lent et serein vers la chambre de son ami, où il frappa délicatement tout en ouvrant la porte.

« Yop! Mikoto, une partie d'échec? »

Il n'eut pour réponse que les ténèbres. Pénétrant dans une chambre glacial et sombre, Totsuka s'arrêta dans l'entrée, la main sur la poignée. Personne? Il ne se risqua pas à allumer la lumière, sentant pourtant une présence dans la pièce. Il laissa donc l'obscurité ambiante apprivoiser ses yeux. Et lorsque ce fut fait, il félicita son sixième sens en reconnaissant une masse sombre allongée sur le lit du chef des HOMRA. Aux grognements qu'elle poussait, nul doute qu'il s'agissait du roux. S'avançant lentement et dans un silence absolue, Totsuka remarqua que son ami était profondément endormit, impossible pour lui de s'apercevoir de sa présence.

S'il était endormit, pourquoi s'agitait-il étrangement? Il s'arrêta. Etait-il souffrant? Le blond se déplaça à sa hauteur, pour découvrir ses traits tirés, sa respiration saccadée et ses spasmes. Il semblait avoir des sueur froide dans son sommeil. Un nouveau cauchemar...

« Mikoto? »

Il posa une main sur son épaule, l'agitant délicatement. Il n'eut aucunes réponses.

« Mikoto, réveilles-toi. »

Aucunes réponses.

Il eut droit à un nouveau gémissement, suivit d'un frisson. Pas étonnant qu'il frissonne à dormir dans une piaule aussi glacée. Certes il manipulait le feu, enfin il n'y avait pas de mal à utiliser le chauffage. Du feu en vapeur restait du feu. Il secoua un peu plus son roi, un mauvais pressentiment l'habitant. Il détestait le voir cauchemarder. Hors de question d'assister à un tel spectacle ce soir d'autant que le rouquin serait plus détendue réveillé qu'endormit si Totsuka décidait de le laisser captif de ses rêves. Il l'agita de nouveau, faisant pression sur ses épaules. Il devait lui faire quitter son cauchemar. Son visage tordu par le malêtre de son songe lui détruisait le coeur. Inutile de vous dire que sa bonne humeur s'était cassé depuis belle lurette. A la place, cette carne avait laissé place à sa copine l'inquiétude qui avait ensuite appelé l'impuissance. Saletés de sentiments, toujours à se foutre des ressentis des gens.

« Suoh, debout! »

Pas que le regarder cauchemarder devenait insoutenable mais il préférait encore embrasser un cul de hyène plutôt que subir cela plus longtemps. L'heure était donc venu de réveiller la belle au bois cauchemardant, quoi qu'il fasse faire.

Lorsque Suoh ouvrit les yeux, Totsuka ne le vit pas. Il ne le voyait pas présent. Il avait ouvert les yeux, sursauté mais il n'était pas dans cette chambre, il était encore prisonnier de son cauchemar. Une lueur d'inquiétude animait alors le regard du blond qui scrutait malgré l'obscurité l'air chamboulé de son ami. Lorsque enfin, ses yeux s'allumèrent dans la réalité, tout se passa vite. Totsuka sentit le corps du roi rouge sursauter, il se redressa précipitamment, écarta brutalement la main rassurante du guitariste. Il ressentit alors une douleur, née d'une lueur rouge qui venait de pousser son bras. Bien que dans le noir, il devina immédiatement qu'il était brûlé. Rien de méchant, la douleur n'était pas réelle, c'était plus une désagréable sensation de chaud. Ca partirait vite et il était hors de question de grimacer, plisser les yeux ou serrer les dents devant Mikoto. Ses réflexes lorsqu'ils se réveillait d'un cauchemar étaient normaux, il s'était défendu, s'était sentit en danger. Pas question de le blâmer pour cela, Totsuka avait été imprudent. Il aurait dû le réveiller plus délicatement.

Quelques secondes après le sursaut de son roi, le blond se retrouvait à quelques centimètres de son visage, conscient alors de l'état du roux qui semblait complètement désorienté sans vraiment le montrer. Il semblait chercher la réalité. C'était définitif. Il n'arrivait pas à se sortir de son cauchemar. De quoi avait-il bien put rêver pour se réveiller si déboussolé? Inutile de lui demander tout de suite, il était d'ailleurs à prévoir que le chef des HOMRA ne lui répondrait pas. Alors qu'il scrutait son roi, Totsuka l'entendit pousser un soupir lasse, comme s'il avait enfin trouvé le chemin du réel, le vit se reculer pour reprendre ses pensées, son souffle qui était plus que rapide.

Le voir si... vulnérable ne faisait que l'inquiéter encore plus. Ce n'était pas la première fois qu'il le voyait cauchemarder, mais cette fois-ci, il s'était montré plus violent que d'habitude. Il craignait que ses cauchemars ne le poursuivent jusque dans la réalité, une crainte qui l'habitait tant qu'il aurait voulut le prendre dans ses bras, lui donner un contact réel, un toucher avec de la chaleur. Il voulait le réveiller, le protéger, l'aider. Et se rassurer lui même. Le blondinet avait souvent peur qu'un jour un cauchemar n'emporte son roi. Il avait besoin de le sentir présent et l'autre aussi.

Il entendit son roi entamé un début de phrase, pour aussitôt s'arrêter. Il ne pouvait pas parlé, pas tout de suite. Il fallait lui laisser le temps de s'habituer au monde réel. S'allumant une cigarette, Totsuka le vit regarder son bras endolorit. Mikoto le prit délicatement, tentant de voir, malgré l'obscurité, s'il avait blessé son ami ou pas. Par pur réflexe, le guitariste dégagea son bras de la poigne du roi rouge pour aussi poser l'autre sur le haut de sa tête. Il glissa délicatement ses doigts dans la chevelure de feu du chef des HOMRA, mouvant lentement ses longs doigt à travers ses cheveux, sans brutalité, délicatement, un sourire apaisant collé sur ses lèvres, simplement pour le réveiller et l'empêcher de se tourmenter pour son bras.

Ce n'est rien. Inutile de s'inquiéter pour une petit brûlure...

« ...Tu voulais quoi ? »

Totsuka posa un regard bienveillant sur son opposé faisant tarder sa réponse, avant d'aller allumer la lumière de la chambre, sans faire le moindre bruit et pris le plateau d'échec laissé précédemment sur la petite table basse de la chambre. Lorsqu'il revint à la hauteur de son ami, il s'assit à ses côtés, le plateau d'échec sur ses genoux, planta son regard noisette dans les yeux fatigués du roi rouge et le gratifia d'un sourire chaleureux et candide.

« Je voulais faire une petite partie ~ »

Il ricana amicalement. Malgré son inquiétude pour son ami, le divertir, lui changer les idées était son nouvel objectif pour la soirée. Mais... Il fallait d'abord que Mikoto s'ouvre un peu. Après une telle réaction à son réveil, après avoir été brûlé, aussi infiniment soit-il, il fallait que Totsuka parvienne à le faire parler, ne serait-ce qu'un petit peu. Son selcontrol était légendaire. Le pacifisme du blond également. Mais il avait besoin de l'entendre parler de lui.

« Mais avant... Il leva sa main vers les lèvres de Suoh pour délicatement lui enlevé cette cigarette qu'il avait eu du mal à allumer, pour le forcer à le regarder, Tu vas me dire comment tu te sens. »

Il écarta son bras, la cigarette fumante coincée entre ses doigts faisant attention à ce qu'aucunes cendres ne tombent sur les draps et de nouveau, dans une délicatesse qui le caractérisait si bien, il sourit à son ami, sans pour autant éteindre cette lueur sérieuse qui brillait dans ses yeux. Pour ne laisser aucune chance à Suoh d'éluder sa requête, il se sentit obligé de préciser, d'une voix déterminé:

« Et honnêtement... Mikoto. »

Il sourit encore une fois. Il savait qu'il y avait peu de chance, enfin même aucunes quand on vivait dans la réalité, pour que Suoh se confit si facilement mais il était hors de question qu'il n'essaye pas. Et plus, il lui était simplement impossible de faire comme si rien ne s'était passé. Pas après un tel réveil, pas après un tel cauchemar.

「 J’sens ...que j’ai besoin d’ma clope, là. 」

Amis du soir, bonsoir. Spot d'information: Mikoto bien que perdu en début de réveil semblait aller mieux. Sinon, il n'aurait pas râlé ainsi tandis que Totsuka venait de lui confisquer sa sucette à cancer. Il ne se battait pas mais décidément, il vivait dangereusement. Je vous y verrais bien vous... A démettre un fumeur cauchemardeux de sa cigarette. Surtout quand ce-dit fumeur est le roi rouge. Cela n'avait pas démonté le blondinet, qui dans ses élans de naïveté avait tenté de faire parler son compagnon. Le jour où il parviendrait à tirer une confession de la part de son ami, sur ses cauchemars, ce serait le jour où ledit ami serait sous l'effet d'un sérum de vérité fait pour les éléphants. Le genre extra fort. Et encore... Même avec une telle substance, Totsuka soupçonnait le rouquin de ne délier sa langue que pour quelques informations inutile sur par exemple le temps qu'il préférait. Enfin des informations passionnantes en claire... Mais rien de personnel.

Mais bon. Il avait l'habitude, son roi ne se confiait pas, ne se reposait pas sur les autres, ne demandait pas d'aide, ne se montrait jamais vulnérable face aux autres et surtout, ne parlait pas de lui. Oui bon, il ne parlait carrément presque pas, enfin on ne pouvait pas tellement le cataloguer de bavard. Pas qu'il était muet ou ahuri, mais il était d'un naturel flemmard. Un peu trop au goût du guitariste qui parfois aurait aimé profiter d'un peu d'excentricité dans son ami. Il devait être passionnant par exemple de le voir véritablement réveillé et intéressé par quelque chose, autre que pour une bagarre de rue.

Pour en revenir à la réalité, tandis que Totsuka s'était perdu dans ses pensées, il se remémora le manque de nicotine de son vis à vis, qui avant d'amorcer un quelconque mouvement, se permit une petite taquinerie envers le guitariste.


「 Tu... vas...finir par avoir des cheveux blancs. 」

Totsuka soupira face au peu de coopération qu'il recevait de la part de son ami. Il accueillit pourtant sa taquinerie avec amusement et offrit à son roi un rire sincère. Il retrouvait pleinement son souverain. Flemmard, silencieux, secret et simple.

« Et toi des poumons tout noirs. » Fit-il remarquer, le ton taquin.

Et de nouveau il sourit.

Lorsque Suoh, visiblement frustrée de ne plus pouvoir fumer correctement, attrapa sa main pour tirer sa bouffé de nicotine directement sur les doigts de son ami, Totsuka abandonna l'idée de le faire parler. Après tout... Si Mikoto ressentait un jour le besoin de se confier, il le ferait de lui même, il était complètement inutile d'insister. D'autant que ce n'était pas dans la nature du blond. Il était toujours enclin pour aider ses camarades mais les mettre mal à l'aise ou bien les ennuyer n'était pas dans ses hobby. Il laissa le chef des HOMRA récupérer son objet nocif -sans vraiment avoir le choix en fait- et laissa échapper un nouveau soupir de ses lèvres, tout en souriant. Qu'il était fatiguant de s'inquiéter.

Peut-être que Mikoto n'avait pas réellement tort. A force de s'en faire pour la moindre chose, les cheveux de Tatara allaient très vite grisonner. Il se conforta dans l'idée qu'il avait encore le temps. Et il s'en voudrait passablement d'arpenter une telle couleur tandis qu'aux yeux de son ami ce serait “ moche ”. A la réflexion, il n'aimerait pas non plus avoir les cheveux neiges, c'était d'un fade. Et puis, il risquait de ne pas discerner ses cheveux de sa peau. Il se dit alors que quitte à changer de couleur de cheveux, autant que ce soit rouge. Après tout, la chevelure feu du jeune roi rouge l'avait toujours profondément hypnotisée. Il voyait une force inconnue dans ce rouge, quelque chose de loin, qu'il ne pouvait ni saisir ni comprendre. Il se perdit de nouveau dans la contemplation de cette chevelure atypique, tandis que Mikoto respirait pleinement ses bouffées de cigarette, l'air satisfait.

「 On s’la fait cette partie ? 」

La question sortit le blond de ses pensées. Ah oui... Il avait proposé une partie d'échec. Enfin. D'avance il savait que Suoh n'avait aucunes chances, après tout le plus jeune adorait les jeux de sociétés et avait passé bon nombre d'après-midi avec ses amis à en pratiquer toute sorte. Il était donc impossible pour lui de perdre une partie, fut-elle contre un ami ou non. Sortit de ses rêveries, il installa le plateau de jeu sur le lit entre eux, positionna toutes les pièces, bien déterminé à ne laisser aucun espoir de victoire à son ami. Peut être ne se battait-il pas, mais aux échecs il faisait la guerre. Sans doute était-ce puéril mais hors de question de perdre une bataille à ce jeu. Il sourit à Suoh, une lueur malicieuse dans le fond de ses prunelles, le défiant du regard, sans méchanceté, juste en l'invitant à bien réfléchir à ses coups. Si Mikoto ne jouait pas très bien aux échecs, pour ne pas dire désastreusement mal, Totsuka n'allait pas lui faire de fleur.

Oui. Je sais. Nous parlons toujours d'échec, non, on ne parle pas d'une guerre mondial ou d'un combat de boxe. Mais les échec, c'est du sérieux pour le guitariste voyez-vous. Il allait devoir essayer de battre son record de coups. Quelle stratégie adopter? Combien de coups allait-il mettre pour battre son roi? C'était palpitant... Mais d'un point de vue extérieur, ça devait paraître plus qu'étrange. Ou peut être attendrissant, de le voir préparer leur partie avec soin et détermination, la flamme de la victoire l'animant. Et... Cela faisait un bout de temps qu'il n'avait pas passé quelques instants en compagnie de son roi, sans aucuns Yata pour s'embarrasser face au roi rouge, sans membres de HOMRA prêt à démolir le bar, sans Izumo prêt à démolir ledit membre de HOMRA qui oserait verser une goûte de jus d'orange dans son précieux bar. En fait, il n'avait pas eu d'échanges avec Mikoto depuis plusieurs jours. Le stricte minimum, des salutations, rien de palpitant. Mais le roi rouge était souvent prit ces derniers temps, par quoi, Totsuka ne le savait pas. Et lui même sortait de plus en plus, fasciné par la ville, assidue dans son travail et... Distant?

Non. Il ne s'éloignait pas d'HOMRA mais il était toujours à l'affut de quelque chose de nouveau en ville, à faire découvrir à ses amis. Et de plus en plus, il ressentait ce besoin de marcher, de visiter les rues de nuits. Son esprit d'aventurier lui criais sans cesse de vagabonder librement, caméra à la main. Et il adorait se promener avec Anna. Elle n'était pas très loquace mais si attendrissante et d'une compagnie très agréable. Toujours était-il que cela faisait longtemps qu'il n'avait pas passé un peu de temps en compagnie de Suoh et qu'il était ravie d'en avoir un petit peu. Surtout s'il pouvait lui changer la tête, autrement qu'en le laissant se gaver les poumons de nicotine.

« J'espère que tu es bien réveillé car je vais être impitoyable. » déclara t-il fièrement, déplaçant ses longs doigts blancs sur l'échiquier pour placer son premier pion.

Il adressa un regard taquin à son vis à vis, taquin et joueur. Rien de provocant, rien de méchant, juste une détermination timide qui ne se montrait que dans de rares cas. Et son sourire chaleureux se changea bien vite en sourire passionné, un rictus malicieux.

Alors qu'il planta son regard sur Mikoto, attendant avec impatience son premier coup, réfléchissant déjà à sa stratégie, une lumière s'animait dans le fond de ses prunelles noisettes. Une idée jaillit dans son esprit. Il allait agrémenter leur jeu d'un peu d'action; Ou tout du moins, allait rendre la partie la plus intéressante.

« Tiens! Il marqua une pause dans sa phrase, se redressa un peu plus face à son adversaire, et si on pimentait un peu le jeu? »

Il termina sa phrase en se plaça plus confortablement sur le lit de son ami, croisant les jambes, rapprochant son visage plein d'éclat de Mikoto et de sa... cigarette. Les yeux pleins d'étoiles -apparues après cet élan d'excitation face à une idée puérile- il exposa son projet au roi rouge.

« Que dirais-tu que le perdant reçoive un gage du gagnant? Questionna t-il sans vraiment laisser le choix à son partenaire.

Quelqu'un extérieur à cette scène aurait trouvé le comportement du caméraman pitoyablement puérile... Et quelqu'un connaissant Mikoto l'aurait trouvé spécialement naïf. De une, il était impossible que Totsuka perde aux échecs, à moins qu'il ne soit particulièrement distrait... Ou malade. De deux, il avait intérêt à bien choisir son gage s'il voulait que Suoh s'y soumette. C'était quand même le roi rouge... D'un naturel très expressif et extravagant bien sûr. Et pendant qu'on y est, décrivons-le comme festif, tactile, sensible et prédisposé à sortir en tutu rose tous les jours. Bon. Il était peu probable donc que Mikoto se soumette à un gage de la part du blondinet mais au moins il pouvait essayer. Et puis, il n'allait pas lui demander de se mettre une trompette sur la tête pour danser des claquettes non plus. Il avait déjà une petite idée de gage, qui ne plairait sans doute pas au roi rouge mais bon dieu... Il fumait beaucoup trop! Alors s'il gagnait, il comptait bien le sevrer de nicotine pour au moins une soirée.

Oh oui oui, il savait que ça n'allait pas plaire à son roi mais il fumait beaucoup trop. C'était préoccupant. Peut être qu'une soirée sans fumer ferait office de déclic dans sa tête rousse? Qui sait. Il était beau de rêver. Ne gâchons pas le plaisir de notre jeune guitariste de prendre ses rêves pour des réalités. Laissez-le espérer un petit peu voulez-vous?

Spoiler:

HRP:

Les échec. Jeu divertissant, quoique considéré comme profondément ennuyant par la plupart des gens ignorant ses règles, dépourvu d'intérêt pour les enfants mais diablement captivant pour les jeunes aux "hobbies de vieux" comme le répétait souvent Yata. Depuis quelques instants, ce jeu avait gagné en intérêt, au moins dix mille fois plus qu'une partie normale.

「 Ça me va. 」

Telles avaient été les paroles de Mikoto. Presque instantanément, un peu de surprise avait éclairée le visage déterminé de Totsuka, qui ne s'attendait pas à une capitulation si rapide de la part de son ami. Il s'en trouva ravie. En plus d'élaborer une stratégie qui se solderait par sa victoire écrasante, le guitariste allait devoir partager son temps de réflexion entre l'avancement de ses pions et la recherche d'un gage à donner à son partenaire. Le défit se posait maintenant: quel gage allait-il lui donner? L'idée de le priver de cigarette était dangereuse et inutile... Elle mettrait juste le roi rouge de mauvais humeur pour une soirée, tandis qu'il reprendrait sa consommation de tabac le lendemain même, plus ardemment, compensant le manque de la veille. Stupide donc. Non il allait devoir trouver autre chose. L'hilarité était à bannir, il n'avait pas envie de tourner en ridicule son roi non plus. La puérilité également, il aimait donner des gages stupides à Yata mais pour Suoh, se creuser les méninges pour trouver quelque chose d'original était maître théorie de la soirée.

Il avait bien une idée. Mais la mettre à exécution le dérangeait quelque peu. Si trouver son ami, quelque minutes plus tôt, en train de cauchemarder avait été des plus désagréable, ne pas savoir la réelle cause de ce mauvais rêve était des plus dérangeant. Non pas qu'il souhaitait remuer le couteau dans la plaie, après tout, il n'allait pas le forcer à parler de choses qui ne regardaient que le roux au final, mais en comprenant le vrais problème... en sachant quel songe effrayant hantait l'esprit de son roi, Totsuka pourrait peut-être trouver les mots justes. Les mots capables de l'apaiser, de le rassurer. Des mots que le blond cherchait depuis la première fois qu'il avait vu son roi si vulnérable et enclin à l'incompréhension. Depuis qu'il avait vu son ami torturé par ses pensées. Dès l'instant où il avait assisté à l'un de ses cauchemars, il avait espéré en connaître les raison et trouver les termes les plus adéquates à placer pour rendre un peu de lumière au visage sombre de son ami. Assombrit par ses démons.

Lorsque Totsuka se rendit compte qu'il s'était perdu dans ses pensées, tandis que son adversaire venait de pousser son premier pion, il le gratifia d'un sourire magnifique, cachant ses réflexions. Il se concentra alors sur leur partie qui venait de débuter, récupérant cette flemme d'excitation pour le jeu qui s'était affaiblit quelques instants. De nouveau une lumière de détermination brillait dans le fond de ses prunelles, animant son sourire d'une aura puissante, emplit de combattivité. Il allait gagné. Il le transpirait de toute part. La victoire était pour lui et il décrocherait le droit de donner un gage à son roi avec passion.

「 ... c'quoi le gage que t'as en tête, au juste ? 」

Ses mains s'arrêtèrent dans son élan, tandis qu'il voulait bouger son prochain pion. Totsuka releva la tête surpris -encore une fois- vers son partenaire, interloqué de voir cette nouvelle curiosité émanant de son roi. Pas que ça le dérangeait, mais il n'était pas habitué à de tels élans d'intérêt pour une action aussi banale que donner un gage. Enfin, peut être que parce qu'il était concerné dans le cas présent -et qu'ils n'étaient que tous les deux donc pas de témoins- Suoh se sentait plus enclin à bavardé. En tout cas, ça ne dérangeait en rien son vassal, qui bien que ravie d'écouter la voix de son roi, n'allait pas divulguer la moindre information par rapport au gage qu'il préparait -et qu'il n'avait toujours pas trouvé rappelons-le-.

« La patience n'est vraiment pas ton fort Mikoto, plaisanta t-il sans sarcasme dans la voix, Il va falloir attendre ta défaite mon cher. »

Ce qui ne serait arrivé dans longtemps.

Il garda pour lui ces derniers mots, inutile trouva-t-il de narguer son roi de la sorte. Il avait beaucoup plus joué aux échec que son souverain, par étonnant qu'il s'y débrouille mieux. Concentré sur le jeu, le guitariste nota soudainement une chose, qui le frappa telle un picotement dans les orteils, rien de méchant mais c'était intéressant: Le jeu de Suoh semblait précis. Loin du brouillon résultant d'une flemmardise non contenue de sa part comme d'ordinaire, cette fois ses pions étaient placés avec plus de réflexion et il jouait plus lentement. Il prenait donc cette histoire de gage très au sérieux, voilà qui était des plus satisfaisant pour le jeune guitariste qui se permit de rire face aux "stratégies" que mettaient en place le roux. Quelques mouvements plus tard, il avança sa tour, le regard plongé sur l’échiquier et pourtant plus qu'attentif aux gestes de son ami.

Un nouveau pion que Suoh avança fit pincer les lèvres à Totsuka. Voilà qu'il allait devoir se concentrer d'avantage s'il voulait gagner en un minimum de coups. A croire qu'il avait cassé le roi rouge en le motivant et en ôtant sa flemme légendaire pour une vulgaire partit d'échec. L'enjeu était de taille cela dit. Dans la possibilité d'une défaite, chose que Totsuka commençait à envisager -bien qu'en dernière dernière option-, il tentait de percevoir quel genre de gage Suoh pourrait-il bien lui soumettre. On pouvait écarter tout ce qui touchait au combat. Pour la suite, Totsuka nageait dans le noir, ayant tant de mal à cerner son roi, incapable de pénétrer au plus profond de son esprit pour y discerner quelques idées frappadingues.

« Hm... Il se pourrait que tu sois obligé d'attendre plus longtemps que prévu ton gage Mikoto, il agrémenta ses paroles d'un sourire, ça à l'air de te motiver cette histoire de gage. »

De nouveau un petit rire s'échappa de ses lèvres entre ouvertes, tandis qu'il plongeait ses yeux sérieux dans le regard éternellement plat de son vis à vis, patientant sereinement pour son prochain coup. Le blond se pencha un peu plus au dessus du plateau de jeu, sans le regarder, fixant simplement son roi, dans l'espoir d'y déceler une quelconque expression d'amusement, de divertissement et de bien être. Après tout le but premier de cette partie de jeu était de divertir son ami, pour l'empêcher de retourner dans les bras de ses réflexion sur son cauchemar. Totsuka n'était pas du genre à abandonner facilement. Et encore moins les personnes à qui il tenait si fortement qu'il serait prêt à mourir pour eux. De ce fait, abandonner son roi à ses cauchemar et ses "peurs" n'était même pas envisageable.

« Tu as des préférences de gage Suoh? »

Il marqua une pause en inclinant la tête sur le côté, le regard plus plissé, une lueur indescriptible dansant dans le fond de son regard, un petit air de provocation plaqué sur son sourire angélique.

« Histoire que je sache quel genre de gage te donner sans trop te frustrer. »

ET BAM! Rien de tel qu'un peu de provocation pour faire réagir son roi. Jouer avec le feu était dangereux, Totsuka le savait bien et pourtant la malice audible dans sa voix laissait savoir à son roi qu'il était plus enclin à le taquiner plutôt qu'à jouer sérieusement. Bien entendu, tout ceci était dit sur le ton de la rigolage, orné de sourire délicat et accompagné de quelques petits rires étouffés mais néanmoins sincère, des rires qui ne définissait que l'amusement que prenait Totsuka à jouer avec son ami. Il voulait gagner, mais il voulait surtout profiter de cet instant privilégié en compagnie du roi rouge, gardant l'honneur de le voir détendu et serein, du moins en apparence. Ainsi il se permit de rigoler sans gêne face à ses propres dires, tant il était ravie et excité de pouvoir profiter de l'intérêt du roux pour leur partie d'échec.

Peut être que cette partie allait amener quelque chose d'intéressant, de nouveau et de plaisant pour les deux joueurs, qui sait. C'était un moment agréable, où le froid semblait s'écarter un petit peu de leur corps pour laisser place à une chaleur amicale accueillit avec bonheur.

HRP:

HRP:

La complexité de leur partie d'échec ne s'était pas envolée comme dans leurs précédentes manches. Aujourd'hui, elle trônait sur le plateau de jeu sans lâcher l'attention. Elle s'infiltrait dans la partie comme un serpent, encerclant chacun de leurs coups avec ardeur. La réflexion se mêlait à la détermination dans les yeux de Totsuka, qui sérieux et de plus en plus passionné dans sa stratégie, se concentrait entièrement à sa tactique. Il était à la fois surpris et ravie d'être poussé à un silence digne d'une réflexion intense face à son ami à ce jeu. D'ordinaire, il gagnait en quelques coups, non pas parce que Suoh était véritablement mauvais mais il jouait spontanément, sans réfléchir. Son esprit de réflexion n'était pas inférieur à celui du blond, juste que le roux suivait ses instincts et sa flegme. Le moins il en faisait, le mieux il semblait se porter.

Il n'obéissait qu'à ses règles. Et pour un jeu de société, on en découvrait plus sur sa personnalité qu'il n'y paressait. Le simple fait qu'il suivait son intuition, qu'il subissait ses pulsions sans les contrôler était un exemple même de l'homme qu'il était tous les jours. Un homme que Totsuka connaissait depuis longtemps mais qu'il découvrait encore. Ils étaient amis mais le blond ne le connaissait pas. Pas entièrement du moins. Bien sûr, il savait certaines choses, des informations que les autres membres de HOMRA n'avaient pas tout simplement parce qu'ils n'étaient pas aussi attentif que le guitariste. Mais plus que de l'attention, Totsuka vouait une appartenance à son roi qui dépassait l'entendement. Parfois, il ne se sentait véritablement vivant qu'en étant à ses côtés, qu'en étant certain que son roi était là, qu'il ne partirait jamais, que sa force était en sa possession parce que c'était lui. Lui, si détaché des autres et pourtant si proche.

Les tourments qui l'assaillaient dans ses rêves, cette aura de glace qui l'entourait constamment lorsqu'il se réveillait, ce sentiment de fatigue qui semblait user petit à petit le roi rouge... Le caméraman devait tout subir. Une torture abominable était de ne pouvoir ranimer cet éclair de bien être qui pouvait danser dans le fond des yeux brûlant de son souverain.

L'inutilité.

Non pas qu'il se trouvait inutile mais il se savait inutile. Il n'était pas grand chose après tout. Un gamin qui s'était accroché à ce roi, qui sans que l'autre puisse s'en rendre compte, ne cessait de le regarder, d'examiner ses réactions pour savoir que faire, savoir quoi dire dans n'importe quel situation. Il n'était pas irremplaçable. Mais son roi, Suoh, il était d'une importance capitale. Pour les autres, pour ses sentiments d'admiration, d'amour, d'amitié et de force qui berçaient les rangs d'HOMRA. Il lui avait souvent répété, pourtant il savait que le roux ne croyait pas en ses paroles mais, son pouvoir n'était pas fait pour la destruction. Il était né pour protéger. Il avait beau se voiler la face en se perdant dans ses craintes de se consumer lentement, Totsuka le savait bien: Suoh était un protecteur. Derrière son regard de glace, son attitude lointaine et sa tendance à se soumettre à ses pulsions, il protégeait ce qui lui était cher, au péril de sa vie, par n'importe quel moyen. Il se vouait corps et âmes, sans l'admettre, sans le montrer, à la protection de son bonheur, aussi méconnue soit-il.

Cette force de caractère, cet égoïsme bien placé, le blond en éprouvait de l'admiration. Et préserver le bonheur de son roi était son devoir, son but mais plus que ça... Son désir.

Mais pour l'heure, son désir était de gagner leur partie d'échec en cours. Pour donner un gage au chef de HOMRA, pour rire de sa supériorité périodique face à son roi. Il n'allait pas l'humilier ou se moquer de lui, c'était parfaitement stupide. Mais il allait soumettre son roi à accepter le bonheur. Il allait le faire rire (abuse pas Totsu) ou au moins chasser ses cauchemars pour les remplacer par un sentiment si calme et si paisible que Suoh redemanderait à être plongé dedans. Dans le but d'apaiser le roux, il fallait commencer par piquer son caractère, par attirer son attention. Un peu de provocation était donc complice à une telle tactique.

「 Ça... Tu le sauras le moment voulu. 」


Quoi? Il n'obtenait que ceci pour sa petite taquinerie? Totsuka déchanta alors, déçu de se rendre compte que la carte de la provocation ne fonctionnerait pas pour faire réagir son roi, en tout cas plus que d'ordinaire. Il fut cela dit satisfait de voir la réponse du roux accompagnée d'un très léger mouvement de ses lèvres, approchant un sourire discret.

La partie continuait donc. Et pas question de perdre.

Abandonnant son regard provocateur, qui ne tenait pas longtemps sur son visage dans tous les cas, Tatara reprit un sourire qui le caractérisait si bien, suivant les mouvements de son roi avec attention. Il captura des yeux le choix audacieux que prit son souverain consistant à déplacer sa reine, tandis que la partie n'avait pas encore atteinte son apogée. Un choix des plus inattendu, comme d'ordinaire. Un claquement de langue, traduisant un certain agacement, fit relever la tête du blondinet vers Mikoto.

「 La reine est plus utile que le roi. 」

Hm. Intéressant. Se pourrait-il que le chef de HOMRA remette en question l'utilité d'un roi dans une partie d'échec? Car il était clair dans sa phrase qu'il mettait la reine au dessus de tout, souveraine de leur partie, pièce maîtresse d'une victoire qu'il semblait caresser de l'esprit. Pour Totsuka, rien n'était plus important que le roi. La reine était forte, mais son pouvoir était fait pour protéger elle aussi. Une tel puissance n'était pas vouée à l'attaque frontale. Voilà pourquoi les mouvements du roi étaient si réduit et que le pouvoir de la reine était si important. Pour comprendre le sens du dévouement.

Saisissant son roi, le blondinet le déplaça d'une case, sensible à la menace que la reine de Suoh pouvait lui apporter. Un nouveau sourire des plus sereins captura son visage pour se poser sur ses lèvres.

« La reine est utile justement parce qu'il y a un roi. »

Il laissa trainer ses doigts sur son roi, jouant avec cette pièce, protégée derrière une reine droite, forte et indomptable. Un petit rire lui échappa, un rire calme.

« La puissance de la reine est si grande... Il rigola innocemment, il est naturel qu'elle soit si utile, sa force est assurément là pour la protection. »

Il inclina la tête à la fin de sa phrase, souriant innocemment à son vis à vis, appuyant ses propos d'un regard profond, parfaitement compréhensible: L'idée qu'il identifiait Suoh à la reine était plus qu'évidente. Un aveugle l'aurait compris. A ce jeu, il identifiait le roi comme étant HOMRA et la reine était assurément Mikoto. Capable de grande chose, possédant un pouvoir destiné à la sécurité de ce qu'il aimait et ceux qu'il voulait protéger. Ceux qui rendaient sa vie comme elle l'était. Ceux pour qui il se battait.

En revenant à son tour, Totsuka laissa trainer quelques temps ses yeux sur le plateau de jeu, pinçant les lèvres sentant que la partie devenait de plus en plus incertaine. Son issue commençait à se brouiller, tandis que quelques coups plus tôt, il ne voyait que sa victoire. Mais à force de repenser aux propos de son partenaire, il ne parvenait pas à monter une tactique assez robuste pour survivre aux coups de son opposant. A croire qu'il ne pouvait penser en même temps qu'échafauder une stratégie.

Le fait était là. Il craignait que Suoh ne doute de son utilité. Qu'il ne remette en question son potentiel. Qu'il ne se voit que comme un roi soumit à ses remords, à ses crimes. Le mystère de ses cauchemars revenait ainsi hanter les pensées du blond. Il ne voulait pas forcer son ami à en parler mais... Il devait savoir. Il désirait tant comprendre ce qui troublait ainsi le sommeil de son souverain. Désirait connaître la vérité, sur ce qui empêchait le roux de dormir, sur ce qui l'usait petit à petit. Sur ce qui le poussait à réagir excessivement à son réveil, à se montrer vulnérable tandis qu'il détestait ça.

Que redoutait-il?

Sans vraiment faire attention, le blond claqua de la langue en fronçant les sourcils, quelques secondes, pour aussitôt se reprendre et apaiser ses pensées. Il se devait de suivre ses sentiments et ses principes. Pas question de déranger son roi en le poussant à bout, en insistant pour qu'il partage ses craintes. Il caressait l'idée qu'un jour, Suoh en parlerait spontanément. Mais il redoutait ce moment. Car qui pouvait garantir que le roi rouge parlerait dans le but d'être écouté et non parce qu'il serait à bout.

Il était fort. Droit. Robuste. Mais tout être humain a des limites et Totsuka ignorait celles de son ami... et craignait de les découvrir un jour. Car quand bien même il le savait fort, autant de secret, autant de pensées refoulées et dissimulées au fond de son coeur n'était bon pour personne. Il savait qu'un jour il ne tiendrait plus, il ne se réveillerait pas seulement désorienté mais perdu dans une réalité qu'il ne reconnaîtrait pas. Et quelque soit l'issue de cet instant, il serait présent. Pour lui.

Il serait toujours là pour lui. Quand bien même sa présence ne serait pas requise. Car il était son vassal. Le vassal du roi rouge.

Totsuka, posant une nouvelle fois son regard sur son compagnon, une lueur de satisfaction dansant dans le fond de ses yeux. Il venait de trouver sa tactique aux échecs. La preuve que même en réfléchissant, il arrivait encore à trouver la combinaison parfaite pour détruire son adversaire. Et pas question de perdre. Il aimait bien son ami mais fallait pas abuser. Les échecs et la défaite n'allaient pas ensemble dans son vocabulaire.

« J'espère pour toi que tu es prêt, lança t-il avec conviction »

Il se redressa droitement, pour observer la scène en entier, analysant le comportement de son vis à vis.

« Il est possible d'avoir une revanche bien sûr. »

Tiens. Une revanche? Il s'étonna lui même. Doutait-il un instant de sa propre victoire au point qu'il en proposait de lui même une seconde partie? Non. C'était pour son roi bien sûr, pour le plaisir de le battre deux fois de suite et de lui donner deux gages. Allons... Il ne doutait pas de sa victoire. Il ne pouvait pas perdre. Pas aux échecs. Chut, vous allez lui porter la poisse.

HRP:

HRP:

「 La Reine est plus utile... parce que c’t’une femelle. 」

Loué soit l'esprit pur de Totsuka qui ne comprit pas tout de suite le sous entendu que laissait entendre la réplique de son camarade. Lui c'était automatiquement prit à penser que si son roi en venait à évoquer la domination féminine sur les hommes c'était pour leur caractère des plus déterminé et leur écrasant besoin de faire leurs preuves bien entendu. Après réflexion, l'idée qu'elles puissent user de leurs charmes -et de leurs formes- caressa son esprit et les pensées de son roi prirent une autre tournure dans son esprit. Le naturel avec lequel le roux avait prononcé ces quelques mots laissa coi le blondinet quelques instants, s'interrogeant sur la vision qu'une femme pouvait prendre dans l'esprit de son roi. Mais à bien y réfléchir, la remarque n'était pas idiote. A vrais dire, il était même logique qu'une femme pour gagner du pouvoir pouvait être amener à user de ses atouts féminins. Il n'était pas nécessaire pour autant de la cataloguer de catin, car dans ce monde où l'esprit masculin est très clairement dit supérieur à celui féminin, tout les moyens étaient bons pour gagner en influence et pouvoir. Or si une femme en était amenée à utiliser son corps et sa féminité, la déchéance de sa victime reposait sur sa propre culpabilité et sa propre faute. Car un jeu de séduction ne peut être mit en place qu'en présence de deux parties. Si la femme était conquérante, l'homme pouvait remettre en question sa contenance et se rappeler que son désir et son envie avait prit le dessus sur son esprit. A qui la faute donc?

Après cette réflexion philosophique sur cette simple phrase du roux, Totsuka resta muet. Lancer un débat sur les capacités de la femme à être indispensable à la société n'était pas son but premier. Non. Son but était de vaincre Suoh à cette fichue partie d'échec qui ne se terminait pas assez vite au goût du guitariste.

Totsuka remarqua alors que l'endurance des coups tactiques de son adversaire faiblissait. Sa flemme légendaire avait donc reprit le dessus sur sa motivation hein? Le blondinet pouvait déjà se ravir d'avoir profiter d'un intérêt nouveau de la part de Suoh pour ce jeu qui pourtant n'était en rien passionnant. Parfait, le blondinet allait donc faire attention à ne pas ralentir la cadence et jouerait plus vite. Ce qu'il fit. Car à chaque coups de son ami, il souriait un peu plus, mouvant ses doigts avec rapidité pour placer sans aucunes hésitations ses pièces, serein. Dommage pour Mikoto qui avait pourtant bien commencé la partie... Mais il n'avait plus aucune chance. Sans doute le roi rouge l'avait-il sentit car dans le but de suivre ce qui se déroulait sous ses yeux, il empoigna sans force la main prête à jouer du guitariste, qui en le berçant d'un sourire le regarda essayer de comprendre ce qu'il se passait sur le plateau de jeu.

C'est alors que le blondinet se surprit à apprécier le contact de son ami, qui malgré la froideur ambiante de la pièce (rappelez-vous, y a pas de chauffage!) lui procurait une sensation de chaud délicieuse. C'était ainsi, le roi rouge dégageait un feu qui réchauffait parfaitement le corps du caméraman. Il s'étonna un peu plus en se délectant de voir Suoh perdu dans la partie, sans trop comprendre ce qu'il se passait, ayant besoin de temps pour réfléchir. C'était adorable. Et inhabituel, ce qui rendait la scène encore plus appréciable. Il était cependant plus désagréable de le voir mettre en avant la brûlure qu'il lui avait faite plus tôt. Bien sûr, Suoh ne dit rien, ne broncha pas. Il était impassible. Mais le blondinet se doutait bien qu'intérieurement, quelque chose avait dû déstabiliser le mur du roi. Il n'avait pas besoin de constater l'état de cette petite injure, elle était insignifiante et ne procurait au caméraman qu'une sensation de chaud plus que de la douleur. Pas de quoi culpabiliser.

« Je peux jouer avec mon autre main tu sais ~ » Fit-il remarquer malicieusement.

Taire sa douleur qui n'en était pas vraiment une et faire comme si de rien n'était fut la solution qui lui convenait le mieux actuellement. Lui même avait déjà oublié qu'il avait été si légèrement blessé. Il ne pouvait cela dit oublier qu'elle était dû à son roi. Plus exactement à ce qui tourmentait son roi. Il était peut être finalement urgent de forcer le roux à se confier. Car si cette fois-ci, la brûlure était minime et le blessé compatissant, peut être que le prochain cauchemar plongerait Suoh dans une folie incontrôlable, un monde où la réalité n'aurait pas d’impacts sur ses actions. Bien que certain que Suoh intentionnellement ne blesserait aucuns des membres de HOMRA, du moins pas aussi inconsciemment, il commençait à douter de son contrôle sur sa réalité. Quelque chose le hantait si profondément que l'inquiétude avait finalement réussit à pénétrer le coeur du vassal.

Il fallait donc l'apaiser.

Sérieux, le guitariste reprit la partie, récupérant sa main que Mikoto avait lâché sans dire un mot, et en quelques coups il termina ce jeu. Il suffisait qu'il doit parfaitement impliqué dans cette partie pour la gagner en outre. Un grand sourire s'étira sur le visage du caméraman qui tout fière releva la tête vers son roi, rayonnant de plaisir.

« Ah! Echec et mat'! »

L'air triomphant, il serra dans ses doigts la pièce qu'il venait de poser, lui apportant la victoire. Son rire amusé dénonçait une grande satisfaction d'avoir gagné. Il ne narguait pas son ami, loin de là, mais il était ravie d'avoir encore une fois remporté la partie à ce jeu. Un moment il avait douté de sa victoire. Maintenant il la savourait avec passion.

« Je retire donc le privilège de te donner un gage Suoh! »

Il ne lésinait pas sur les sourires tout en parlant. Il avait vaincu son roi. Pas question donc de ne pas demander son dû. Il jubilait d'avance. La tentation de donner un gage insolite à son souverain était grande et terriblement enivrante mais petit à petit, le trouble de son regard perdu lui revint en tête et le besoin de connaître ses craintes grandissait chez le blond. Ainsi il savait qu'il ne pourrait qu'écouter ses sentiments, quitte à devoir faire face à Mikoto, à devoir subir sa colère, son silence... Il était prêt à tout accepter dans le but d'assouvir son envie d'aider son compagnon.

« Un gage est un gage. En débutant la partie tu savais donc à quoi t'attendre. reprit-il calmement.

Il planta son regard serein dans les yeux de son partenaire de jeu. En quelques mouvements, il se rapprocha du roux, décalant le plateau de jeu sur le lit et soutint les prunelles de son roi. Lentement, il posa sa main intacte sur l'épaule la plus proche de son ami, le gratifiant d'un sourire discret mais bien visible pour appuyer un peu plus son regard de son calme légendaire. Son côté papa-poule ressortait alors plus que d'ordinaire quand un peu d'inquiétude se mêla à sa tranquillité.

« Pas la peine de tourner autour du pot quarante ans, toi et moi savons parfaitement que c'est une perte de temps. Il reprit son sourire amicale tout en appuyant un peu plus sa main sur l'épaule du roux, Et que ça t'énerve ou pas je me permet un peu d'égoïsme en te demandant de me parler... Suoh.

Sans qu'il l'eut voulu, la fin de sa phrase trembla dans sa voix. La nervosité de devoir affronter son ami pour lui tirer les vers du nez sans doute... Il n'aimait pas devoir aller contre les envies plus qu'évidente de son roi mais... Comme il l'avait dit, il allait faire preuve d'égoïsme. Pour leur bien commun, il en était sûr. Il n'avait pas besoin de préciser le sujet sur lequel il voulait que son ami se confit, tous deux savaient parfaitement que malgré leur distraction suite à cette partie d'échec, aucuns n'oubliait que quelque chose n'allait pas dans les rêves du roi. Ils n'avaient fait que retarder le moment où il fallait en parler.

Sans trop savoir pourquoi, il se sentit pourtant obliger d'accentuer sa demande d'une manière plus éteinte que d'ordinaire, pour faire réagir Mikoto.

« S'il te plait... Suoh. »

「 Ta voix a tremblé, c'est mignon. 」

Un air boudeur s'empara du visage de Totsuka. Il n'était pas mignon! Il était inquiet! Et terriblement sérieux! Et également idiot, car malgré son inquiétude, il ne put s'empêcher de sourire de soulagement face au comportement de son ami qui ne semblait pas énerver, malgré les réponses qu'exigeait le petit blond. Instinctivement il croisa les bras, se donnant plus de sérieux qu'il ne pouvait en exprimer. Plutôt que de démentir les propos de son ami, il le laissa continuer patiemment, se taisant sur ses protestations.

「 T'es têtu. 」

Ca c'était pas nouveau. Mais tu sais quoi Suoh? Il prenait exemple sur toi, stupide roi!

「 Je n'ai rien à dire. 」

Alors là. C'était l'hôpital qui se foutait de la charité! Toute la mauvaise foi du monde était regroupé dans cette phrase, que Suoh osait sortir après avoir réprimandé Totsuka sur le fait qu'il était têtu. D'un air exaspéré, il laissa échapper un soupir à travers son sourire:

« Pff... C'est qui le plus têtu des deux là? » Se murmura t-il pour lui même.

Si ses sourcils froncés n'était pas convainquant, peut être que son sourire qui quittait petit à petit son visage d'ordinaire si chaleureux le serait. Il captait bien la fatigue de son roi quant au fait qu'il était hors de question qu'il coupe court au gage mais là actuellement, il s'en fichait pas mal. Oui, ça ne lui ressemblait pas tellement de se laisser dominer par ses émotions mais il était vraiment inquiet. C'était peut être idiot, car même lorsqu'un membre de HOMRA avait des ennuis, il gardait parfaitement le contrôle sur ses sentiments, mais là, paradoxalement pour un simple cauchemar, il n'arrivait pas à ralentir les pulsions de son coeur. C'était bien de la tension qui alimentait son corps. Une peur si désagréable qu'elle lacérait son estomac, le lui retournant, faisant monter en lui cette douleur insupportable. Il pourrait même en oublier de respirer tant il cherchait une solution pour faire taire son anxiété.

Mais imaginez-vous un peu, votre roi, votre ami qui se réveille si... déboussolé. C'était effrayant, vraiment, car il était si inhabituel pour le rouge de se montrer vulnérable comme il l'avait fait. D'ordinaire, Totsuka ne captait pas les réels sentiments de son roi mais à son réveil, lorsqu'il l'avait tiré de son cauchemar, il avait si bien lu l'incompréhension et la peur dans ses yeux qu'il avait cru se noyer dedans. Ce flot de sentiments qui s'était emparé de lui l'avait fait chavirer dans un stress qu'il ne parvenait pas à gérer.

Et pourtant il prenait sur lui, respirait lentement, souriait bêtement, comme il avait l'habitude de le faire. Son objectif était d'apaiser son roi et il était doué pour ça. Apaiser les gens, les rassurer et leur donner des conseils. Mais si pour un court instant, quelqu'un avait prit sa place pour calmer ses propres sentiments, il n'aurait pas dit non, croyez-moi.

「 T'es fatiguant... 」

La voix lasse de son vis à vis le ramena si soudainement à la réalité qu'il mit un certains temps à saisir le sens de ses mots. Et lorsqu'il comprit la réprimande du roi, il en sourit. D'un sourire qui se voulait calme et malicieux, qui ne faisait que lui répondre dans un silence: « Et oui, je sais. »

Il se tourna un peu plus vers son roi qui regardait un point vague dans la pièce, tirant nonchalamment sur sa cigarette pour en expulser bruyamment la fumée. Un geste qui n'était en rien surprenant de la part de Suoh, cela dit lorsqu'il passa sa main libre sur sa nuque pour "nerveusement" se la masser, faisant pressentir au blondinet qu'il allait passer aux aveux, il releva l'étrangeté du mouvement.

「 J'vous vois brûler avec moi. 」

Les lèvres de Totsuka se fermèrent instantanément.

Son regard s'assombrit et pourtant une aura sereine se dégageait encore de son visage lumineux et rassurant. Mais les mots lui manquaient... En même temps que les pensées. Il ne s'était pas vraiment préparé à la réponse qu'il avait pourtant exigé. Le fait que son roi cauchemardait de mort n'aidait en rien à réagir de manière constructive. Il pouvait bien poser des questions, mais la nervosité de Suoh ne le rassurait pas et il ne voulait pas mettre plus mal à l'aise son ami. Pourtant, cette information sur ce qui le hantait était trop vague pour que Totsuka puisse trouver les mots juste. Si ses phrases pouvaient être aussi efficace qu'un bôme après une blessure, là elles faisaient actes d’absence.

Il ne put cela dit retenir une question derrière ses lèvres, qu'il avait besoin de poser pour plonger dans la compréhension de son roi.

« Le feu... Tu sais d'où il vient? »

Sa voix n'avait ni vaciller, ni trembler. Au même titre que ses pensées qui restaient claires et calmes. Seul son coeur s'était activer, augmentant l'anxiété dans son corps pour se calmer doucement, reprenant le dessus sur cette peur irrationnelle qui l'habitait.

Son regard sérieux et pourtant lumineux se posa sur ceux détournés de Mikoto. Il ne dégageait rien d'autre que du calme et de l'innocence, cherchant à communiquer sa tendresse vers son ami, le couvant délicatement du regard. Sans trop se rendre compte de ce qu'il faisait, mais persuader qu'il fallait le faire pour apaiser son ami, Totsuka glissa lentement ses mains vers celle libre de son ami, dégageant alors sa nuque et l'encercla de ses doigts fins et froids. Un geste si délicat que lui même mit un certain temps à capter la chaleur du corps opposant.

Le regard droit et calme, un sourire tendre collé sur ses lèvres, il laissa sa respiration bercer son geste, tandis que son sourire s'agrandissait un peu plus.

« On a pas brûlé, tu vois. »

C'était si bête à dire et tellement évident. Mais il ressentait le besoin de lui faire comprendre, de lui faire sentir sa peau, de le maintenir dans la réalité par un contact humain et concret.

Mais sa tempête sentimentale s'accentua soudainement, lorsqu'il se rendit compte de ce dans quoi baignait son ami depuis son réveil. Ce sentiment désagréable, cette peur que le rêve se réalise. Lui même avait déjà cauchemarder de mort, bien que ce soit très occasionnel, et avait ressentit cette anxiété poignante à son réveil que son rêve ne soit réel. Ainsi il pouvait aisément capter le ressentit que devait éprouver son souverain. Et c'était d'autant plus effrayant pour lui. Il aurait voulu remonter dans le temps, être à ses côtés lorsqu'il se serait endormit et le tirer des méandres de son cauchemar avant qu'il ne prenne le dessus sur le coeur du rouge.

La réalité était parfois dure. Dérangeante et hideuse. Mais les tourments dans lesquelles peuvent nous plonger les rêves sont pires que la réalité. Le rêve était un rêve. Un endroit illogique où l'inconscient faisait ce qu'il voulait, où l'étrange régnait et où notre conscience se soumettait aveuglément. Il fallait dissocier ces deux mondes étranges et surprenants.

Totsuka, droit et dégageant une émotion claire et calme resserra un peu plus ses doigts autour de la main captive de son ami.

« Les cauchemars sont des cauchemars Suoh. S'ils sont effrayants, c'est parce qu'ils nous montrent nos peurs. Mais à toute peur il existe un remède. Celui du cauchemar est de prendre conscience qu'il n'est pas réel. Il marqua une pause pour sourire tendrement à son ami. Ca n'était qu'un cauchemar. »

Inclinant la tête sur le côté, persuadé de ses paroles, il laissa ses lèvres s'étirer un peu plus pour transmettre son innocence à son roi. Il laissa même échapper un petit rire, plus proche d'un gloussement tendre que d'un réel rire. Juste l'annonce d'un brin d'humour qu'il s'autorisa pour encourager Suoh à poursuivre ses aveux.

« Connaissant les autres, ils ne brûleront jamais sans se battre. » Ponctua-t-il d'un rire sincère.

Une plaisanterie qui était juste là pour détendre l'atmosphère. Juste là pour aider son roi à continuer à se confier. Car s'il ne le faisait pas, il devait s'attendre à ce que le blond pose encore des questions. C'était à prévoir.

HRP:

Spoiler:

Il y avait le froid. De la pièce, de l'air, du réel. Et il y avait le chaud. Le chaud d'un corps, le chaud d'un coeur, le chaud de ses lèvres. Une chaleur imposée par une bouche rapide, un contact qui ne dura que quelques instants mais qui interrompit le cours du temps. Il n'y avait rien de sauvage ni d'inconvenant, mais la délicatesse du geste associé à son imprévisibilité empêchait littéralement les pensées du guitariste à retrouver le chemin de son cerveau. Sa déstabilisation fut d'autant plus importante lorsque Suoh rompit leur échange. Le sourire du blondinet avait disparu, happé par un baiser qu'il n'avait pas anticipé. Qu'il n'avait tout bonnement pas imaginé. Rien n'était vraiment lisible sur son visage, partagé entre la surprise, l'incompréhension et le calme.

「 J'pourrais m'rendre compte qu'il n'est pas réel plus facilement... si j'faisais ça à chacun d'mes réveils. 」

Bien qu'ayant l'effet de le ramener à la réalité, Totsuka ne sut quoi répondre aux paroles insaisissables du roux. Ni comment réagir. Ou quoi dire, quoi faire, quoi ressentir. Tout ce qu'il possédait était une pression sanguine affolante dans son corps et la sensation délicieuse d'avoir goûté à une chaleur enivrante. Mais y avait-il gouté? Que venait-il de se passer? La stupéfaction l'emportait sur la réalité, sa mémoire se changea en incertitudes. Il tirait cette tête indescriptible, de quelqu'un qui avait arrêté de penser, mais qui allait bientôt se mettre à philosopher sur la profondeur de sa vie dans sa tête.

Et Suoh... Que venait-il de dire? Que voulait-il dire? Qu'essayait-il de faire? Fuir? Éluder ses questions? Ou lui faire comprendre quelque chose? Et qu'est-ce qui lui prenait de se barrer comme ça! Simplement, sans un regard différent, sans même qu'à travers son état végétatif le blond ne réussisse à percevoir une étincelle étrange dans le fond de ses yeux. Il allait juste partir, aussi simplement. Laissant le blond dubitatif, la reine en équilibre dans sa main.

Que faisait-elle là d'ailleurs? Pourquoi? Mais bon sang pourquoi?! Tant de questions, tant de surprise. Le guitariste était véritablement désemparé face au comportement de son ami et soumit à sa surprise. Alors qu'il fixait la pièce d'échec, incapable de véritablement la sentir dans sa main, il ne put voir que du coin de l'oeil que son roi allait s'en aller. Qu'il posait sa main sur la poignée de la porte et qu'il allait tout bonnement le laisser là, sans plus de paroles. C'est pourquoi, guidé par une peur irrationnelle de quitter son roi et de ne jamais avoir de réponse à ses questions, qui s'accumulaient dans sa tête autre que sur le sens profond de ses cauchemars, il sauta du lit en un sursaut.

« Attends! »

Il se précipita pour retenir son roi par le bras, stoppant tout mouvements qu'il pourrait tenter.
Mais lorsqu'il se rendit compte de son geste, lorsqu'il se retrouva face à la réalité et à un Suoh qu'il venait d'arrêter, de nouveau les mots lui échappèrent et ses pensées explosèrent, le noyant dans son incapacité à réfléchir. Il faisait quoi maintenant? Il gardait le silence jusqu'à ce que le roi capte quelque chose que lui même ignorait? Il ne savait même pas quoi penser et n'avait pas vraiment envie de penser... En fait, il n'avait pas de réelles questions en têtes, il en était tout bonnement incapable.

Prit de court par son propre comportement, il porta à Mikoto un regard remplit d'interrogation, désorienté et implorant juste quelques secondes, pour qu'il remette ses pensées en ordre.

Une décharge électrique le figea lorsque, sans trop savoir pourquoi, il se souvint instinctivement au contact de son ami de la chaleur qui s'était posée sur ses lèvres. Il libéra instantanément sa prise sur le bras du roi.

« Euh... Il chercha un instant ses mots, la voix moins assurée, Rien pardon. »

Mais enfin c'était quoi cette réaction maladroite? Il ne pouvait pas commencer par posément lui demander des explications! Et des explications sur quoi exactement? Il n'y avait pas grand chose à dire, ci ce n'est qu'ils s'étaient embrassés. Plus exactement que Suoh l'avait embrassé. Et alors? Y avait-il matière à en faire une grande histoire? De plus si le rouge s'en allait, c'était bien qu'il n'y avait rien à dire. Qu'auraient-ils put dire dans tous les cas. En soulevant tant de question, Totsuka retrouva le chemin de la réalité, relâchant ses nerfs, récupérant son sourire tendre, quoique plus discret et incertain.

Il rattrapa le fil des évènements, se rappelant de la situation initiale dans la quelle il se trouvait et se trouva un peu dépourvu sur la manière d'aborder de nouveau le sujet des cauchemars de son roi... Lui qui semblait vouloir abandonner cette discussion. Tant pis, autant changer de sujet pour l'instant donc, pour mieux revenir sur l'ancien plus tard, lorsque cet "épisode" étrange serait oublié... Roh et puis merde! Il n'avait aucunes raisons de se prendre la tête! Il... Il... Il ne se prenait pas la tête. Peut être plus tard. Mais là, il ne pensait à rien. C'était le vide. Complet.

« Bien! Il inspira lentement et calmement, reprenant son assurance habituelle, J'avais dis aux autres que nous les rejoindrions en bas plus tard si tu te réveillais mais vu l'heure, j'imagine que tout le monde est partis... »

Sa voix s'arrêta timidement, le blondinet scrutant son ami d'un regard un peu ailleurs. Soudain, une lumière jaillit dans les yeux de Totsuka.

« Ah! J'oubliais que j'avais mis en sécurité ma guitare dans la chambre d'Izumo! Il sortit de la chambre le premier, se dépêchant d'ouvrir la poignée et s'engouffrant dans le couloir comme si sa vie en dépendait, je te rejoins en bas Suoh. »

Il conclut ses dires par un sourire égal à ses sourires habituelles. Et son calme était revenu, ainsi que sa chaleur. Finalement, rien ne s'était passé. Rien... de bien important, il y penserait plus tard. Mais pas en face de son ami. Plus tard.

HRP: